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Qui suis-je, et comment devient-on écrivain ? 

Il est particulièrement difficile de parler de soi, ça donne l'impression de se mettre à nu et je ne suis pas exhibitionniste. Je dois pourtant me présenter aux lecteurs sans minimiser mes défauts ni exagérer mes qualités. Je tâcherai donc d'être aussi objectif et neutre que possible.

Je suis né deux ans après la Seconde Guerre mondiale, je fais partie de cette génération du baby-boom qui a suivi la Libération. Bien que né dans une cité d'urgence -- j'ai coutume de dire "dans une cabane en bois" -- j'ai très vite échappé à la promiscuité inhérente à ces entassements humains pour grandir dans une petite maison ouvrière, où la Société Nationale des Chemins de Fer Français logait ses employés.
Mon père, en effet, était poseur de rails, et la plus grande fierté de mes parents était que ma soeur ainée soit parvenue à devenir institutrice. Ils auraient bien aimé évidemment que je suive ce même chemin et que je devienne "maître d'école". C'était pour eux le summum de la réussite sociale !... Heureusement pour moi, il n'en sera pas ainsi. 

En ce temps-là, les deux avantages d'être un enfant de cheminot étaient la gratuité des voyages en train et l'abonnement gratuit à la bibliothèque de la SNCF, et je peux dire que j'ai profité de l'un et de l'autre pour visiter la littérature et les régions de France ! 
Les copains d'école dont les papas avaient une meilleure situation que le mien partaient en voiture se faire bronzer sur la Côte d'Azur tandis que j'allais chaque année par le train en "colo" (grâce aussi au curé de ma paroisse qui les organisait. Merci à lui !). En Bretagne, en Languedoc, dans le Massif Central, les Alpes, etc., j'eus ainsi le plaisir de visiter quantités de châteaux, abbayes et monastères qui parsèment notre territoire, outre quelques années de scoutisme qui m'ont positivement ouvert les yeux sur les splendeurs de la Nature.
Pour autant, cette fréquentation du monde catholique ne m'a pas collé des oeillières, et je n'ai jamais confondu dame Nature avec une quelconque "Création" d'un Dieu omnipotent...

Depuis l'enfance, j'ai toujours appris très vite. J'étais un élève plutôt bon en Français et très intéressé par l'Histoire du fait de mes nombreuses lectures. Moins attiré à l'époque par les mathématiques auxquelles on n'avait pas su m'initier (c'est à plus de quarante ans que je découvrirai l'informatique) j'étais surtout alors un gamin indiscipliné et rêveur comme beaucoup de gosses dits "en avance pour leur âge"...
Ce défaut -- car c'en est un dans une société où chaque cerveau enfantin se doit de correspondre au niveau du programme éducatif global planifié pour les masses -- m'a valu des études courtes au collège, et une entrée dans la vie active à 14 ans comme menuisier-charpentier. 
J'eus alors la grande chance de tomber sur un maître d'apprentissage de la vieille école, qui m'a enseigné tout son art du mariage du bois et de la pierre. Cette compétence m'a procuré l'honneur de participer, dans les années 60, à la reconstruction de la célèbre "Maison de Jeanne d'Arc" (Orléans) qui avait hélas été victime des bombardements durant la seconde guerre mondiale.
Après avoir brillamment passé mon CAP en me classant 1er de mon département, au grand étonnement de mon patron j'ai décidé de ne pas rester ouvrier, même très qualifié. (Le syndrome de Peter sans doute !) J'ai donc suivi des cours d'architecture et de métré de bâtiment, puis je suis parti à l'armée comme de nombreux jeunes gens de mon époque. 

Je n'ai jamais cessé depuis d'explorer les domaines voisins de ceux où j'avais acquis une expérience professionnelle : Après avoir construit, dessiné et calculé des bâtiments, j'ai ouvert une agence immobilière et j'en ai vendus durant plusieurs années. Des centaines de petites fermettes, presbytères et autres maisons rurales ont ainsi changé de propriétaires par mes soins, et je me suis peu à peu surpris à aimer les vieilles pierres... Plus elles étaient vieilles, et plus je les aimais. Plus j'aimais leur charme, leur style, plus j'admirais leur construction "à l'ancienne", pleine de corbeaux de pierre soutenant d'énormes poutres maîtresses, de tomettes de terre cuite, d'appentis en contrepentes, et plus je détestais le béton et la désespérante rectitude des immeubles modernes.
C'est ainsi que j'en suis venu à admirer pour leurs qualités intrinsèques les monuments anciens que nous a laissé l'histoire : Forteresses médiévales, temples, églises, cathédrales, monastères, sont devenus pour moi autant de lieux exceptionnels, chargés de gloire ou de tristesse, dont les vibrations me touchaient, me parlaient intimement !... Les vieux murs auraient-ils réellement cette capacité d'enregistrer les événements qui se déroulent en leur sein ?... Je suis près de croire que Oui. Et c'est cela qui m'intéresse. 
Quand je visite aujourd'hui un château ou une église, peu m'importe à présent le cintre de la voûte, la hauteur de la nef ou la couleur des vitraux. J'ai digéré depuis longtemps les aspects techniques et architecturaux de ces lieux touristiques que les meilleurs guides peinent parfois à nous décrire autrement qu'en termes de styles. Ce qui m'importe aujourd'hui, ce sont les ombres des personnages qui les hantent et pourquoi ils les ont construits... Bref, l'Histoire des hommes et le sens qu'ils donnent à leur vie.

C'est ainsi que du modelage de la matière, je suis passé à l'étude de l'esprit qui la fait vivre. Du matériel, je suis passé au spirituel. Et là, sauf à devenir artiste peintre ou sculpteur, pour en traduire l'émotion rien de mieux que l'écriture. Merci papa de m'avoir inscrit à la Bibliothèque lorsque j'étais môme !